Plus de 200 milliards FCFA dans le vent

Bateau migrants

Soutenu par de nombreux Etats de l’Union Européenne (France, Italie et Espagne), le Sénégal a acquis plusieurs projets et programmes de lutte contre la migration clandestine. Selon le rapport de la fondation Heinrich Böll à Dakar, plus de 200 milliards FCFA (soit environ 305 millions d’euros) ont été investis dans le domaine de la migration durant la période 2005-2019. Malgré l’ampleur de ces financements, relève le rapport, les résultats restent toujours mitigés

Dans le but d’arrêter le fléau de la migration clandestine par le renforcement du contrôle des frontières ou l’amélioration des conditions socio-économiques dans les zones de départ, plus de 200 milliards FCFA (environ 305 millions d’euros) ont été investis au Sénégal sur la période 2005- 2019. N’empêche, le rapport de la Fondation Heinrich Böll, rendu public hier, juge mitigés les résultats de ces investissements.

D’après le rapport, cette situation s’explique par un éparpillement des responsabilités institutionnelles dans la gouvernance des migrations. Il ressort du document qu’il n’existe aucune structure au Sénégal ayant pour mandat d’aborder le fait migratoire dans sa transversalité (émigration, migration interne et immigration).

De plus, souligne la Fondation allemande, la gouvernance migratoire implique une pluralité de structures ministérielles et d’agences gouvernementales en fonction des secteurs concernés, dont le contrôle des frontières, la politique intérieure et étrangère, la coopération bilatérale, multilatérale, et décentralisée, l’aide au développement et l’engagement de la diaspora.

D’autant que, révèle le document, si le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, à travers notamment la Direction générale d’appui aux Sénégalais de l’extérieur, tente d’assumer un leadership institutionnel sur les questions liées à l’émigration, beaucoup de projets et programmes relatifs aux migrations irrégulières sont mis en œuvre par d’autres ministères et agences. «Cet éparpillement institutionnel contribue à faire de la migration un champ éclaté propice à la multiplication des initiatives sans un cadre de concertation apte à fédérer les actions et à contrecarrer le chevauchement et la duplication des programmes et des projets», soulignent les rédacteurs du rapport avant d’ajouter que cela empêche l’émergence d’une ligne politique claire et cohérente dans la gouvernance des enjeux et défis posés par les migrations.

Par ailleurs, la Fondation Heinrich Böll soutient dans son rapport que la pluralité des partenaires techniques et financiers du Sénégal sur ces questions participe à la dispersion des efforts et freinent l’émergence d’une politique nationale. «Parce que les bailleurs démultiplient les initiatives sur la migration et les sollicitations auprès des différents ministères pour y «loger» leurs programmes. Et en retour, les pouvoirs publics sénégalais adoptent une posture consistant souvent à «monnayer» leurs engagements afin de recevoir des financements toujours plus importants»

«PROCEDER A UNE REVISION EN PROFONDEUR DE LA POLITIQUE NATIONALE DE MIGRATION DU SENEGAL»

Pour faire face à cette situation et améliorer les résultats dans les investissements, la Fondation Heinrich Böll recommande aux autorités sénégalaises de mettre en place des politiques et programmes orientés vers l’identification de réponses pérennes et articulés aux défis et enjeux migratoires propres au Sénégal et non, indique-t-elle, pensés par rapport à l’agenda de ses partenaires techniques et financiers. Elle invite cependant à l’Etat à procéder à une révision en profondeur de la politique nationale de migration du Sénégal avant sa validation politique afin, souligne la fondation Allemande, de mettre en valeur les opportunités liées à la mobilité internationale de la population sénégalaise. Et aussi surtout, ajoute-t-elle, de renforcer la gestion locale des migrations en impliquant les collectivités territoriales, les représentants des diasporas, les organisations de la société civile et le secteur privé des territoires d’origine et de destination».