Déficientes mentales dans la rue, ces oubliées et proies faciles des violeurs et agresseurs

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De l’assistance ! C’est tout ce que demandent ces mères, femmes et jeunes filles déficientes mentales. Ces autres nous-mêmes qui, pour la plupart, sont victimes d’abus sexuels, de violences et de stigmatisation dans la rue méritent une assistance considérable de la part des autorités et de leurs familles respectives.

Elles sont dans la rue, les marchés et des fois dans les maisons. Ces autres nous mêmes souvent considérées comme des gens hors normes ne bénéficient ni de la tendresse ni de l’affection de leurs parents où de leurs proches. Elles sont pour la plupart rejetées, abandonnées à leur sort.

Au Sénégal, rares sont les familles qui prennent en charge ces cas de figure. Elles finissent dans la rue et sont exposées aux réalités de celle-ci. Une véritable jungle. Seules les plus coriaces peuvent échapper. Dommage que sur cinq (5) femmes déficientes mentales dans la rue, seule une peut s’en sortir, les autres sont victimes de viols, d’agressions entre autres. Elles se retrouvent mère célibataire et n’auront jamais l’occasion de voir leurs enfants grandir. Car c’est ici qu'intervient la famille où les structures habilitées. Médecin après la mort. Des moments difficiles mais aussi de tristesse pour ces mamans qui se déchirent pour garder leurs progénitures.

Ndiémé, Mame Yacine, Salif, Edmon, Viviane, sont les noms d’emprunt de ces bébés et enfants arrachés à l’affection de leurs mères pour être casés dans des lieux jugés "plus sûrs" que la rue. Une fois enlevés à leurs parents, ces enfants sont détenus dans des centres d’accueil où leurs propres familles et souvent leur prise en charge pose problème.

Les conditions de vie sont particulièrement difficiles pour ces petits bouts de bois de Dieu, surtout avec le sevrage brutal. Des moments douloureux pour ces mères déficientes mentales qui ont accouché dans la rue où dans des maternités pour les plus chanceuses. Femme déficiente mentale, élancée et d’assez forte corpulence, Mbathio Fall* a accouché son premier enfant dans la rue. Enceintée par cet inconnu au caleçon rouge, selon sa propre description, Mbathio Fall a mis au monde un nouveau-né de sexe masculin sans aucune assistance. Alertées, sa famille et des personnes de bonnes volontés sont venues à sa rescousse.

La dame Aisssatou Seck du quartier Mbambara de Thiès, en dit plus. D’après ses révélations faites avec beaucoup de tacts, elle dit: « En tant que femme et mère,  il y a des choses que je ne peux passer sous silence. J’accordais trop d’attention à cette dame. Je la suivais de près, lui donner à manger. Je l’ai une fois amenée à l’hôpital. Dommage qu’elle a pris la fuite ensuite sans être consultée par la sage-femme. Elle a surpris tout le monde le jour où elle a mis au monde un bébé. Ce n’est que le lendemain que j’ai appris la nouvelle », raconte Aïssatou Seck.

S’agissant de l’enfant, Mme Seck confie avoir approché Mbathio et cette dernière avait même accepté, dans un premier temps, de la laisser prendre l’enfant et de l’amener à l’hôpital. Durant son hospitalisation, Mbathio se comportait de façon sereine.

Les affres d’un sevrage forcé

Les conditions de vie de Mbathio ne lui permettaient pas de garder cet enfant. Et, en conséquence, aussi douloureuse que pouvait être la séparation d’une mère et de son enfant, la décision s’imposait pour l’intérêt du nouveau-né en termes d’hygiène, de santé et simplement de survie.

« Nous l’avons fait avec beaucoup de délicatesse afin d’amoindrir le mal. Nous lui avons demandé d’aller prendre un bain. Et c’est à ce moment que nous avons pris l’enfant pour le mettre dans un lieu sûr », a souligné Madame Seck. Ce geste est certes dur mais des plus responsables puisqu’il s’agissait d’une assistance de personne en danger pour ne pas dire de sauver une vie. Surtout quand on sait toutes les dispositions prises par l’autorité en la matière.

En effet, comme stipulé par la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant en son article 4 relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant, « dans toute action concernant un enfant, entreprise par une quelconque personne ou autorité, l’intérêt supérieur de l’enfant sera la considération primordiale ». Mais au-delà et nonobstant cette disposition, pour la dame Seck, il fallait tout mettre en œuvre pour que l’enfant soit suivi. « Tout enfant a droit à la vie. Et je demeurais consciente que laissé seul entre les mains de sa maman, il ne bénéficierait d’aucun suivi sanitaire encore moins d’une alimentation saine et appropriée », dit-elle pleine d’affection, les larmes aux yeux.

Les enfants d’Hélène, puisqu’il faut lui donner un nom, n’auront, quant à eux, pas connu ce même sort. Cette femme élancée au teint noir et d’une rondeur exceptionnelle se promenait avec ses deux enfants tous de sexe masculin dans les rues de Thiès. Ce qui attirait l’attention de bon nombre de riverains et habitués de l’Avenue Malick Sy, la place de France ou la Promenade des Thiessois. Lesquels ne pouvaient pas rester sourds aux cris de l’enfant âgé d’à peine 6 à 7 mois qu’elle portait sur son dos.

La jeune femme, une déficiente mentale venue d’on ne sait où, ne donnait aucune chance de survie à son enfant. Sur son dos où il était bien à califourchon, l’enfant était loin d’être à l’aise. Solidement attaché à son corps par un pagne à la propreté douteuse, l’enfant était souvent au bord de l’étranglement. Il étouffait à vue d’œil et ses cris sonnaient comme un lancinant appel à l’aide attirant la curiosité des riverains qui ne manquaient pas de s’apitoyer sur son sort.

Quant à sa mère, elle se baladait en toute insouciance. Et comme sourde à l’appel de détresse de son enfant, elle tenait à bout de bras son frère qui la suivait comme une ombre. Un triste et désolant spectacle qui ne pouvait laisser indifférents les riverains qui tenteront de voler au secours de l’enfant. Hélas, tous ceux qui s’y sont employés en ont pris pour leur grade. C’était en effet sans compter avec l’amour maternel dont cet être, que l’on considère comme dénoué de toute raison, couvait sa progéniture. Aussi pour les protéger elle agressait littéralement « ces sauveurs » à chaque tentative.

Pour dire combien une maman, même déficiente mentale, est prête à tout donner pour sauver son enfant. Que ces gens qui interviennent le fassent pour le bien de son fils ou pas, elle n’en avait cure. Pour elle, l’enfant n’était en sécurité qu’entre ses mains et nulle part ailleurs. Heureusement, après moult tentatives, une personne de bonne volonté, a fait un communiqué à la radio (sud fm 102.2).

« Nous attirons l’attention de tout le monde qu’une dame qui ne jouit pas de ces facultés mentales se promène avec ses deux enfants dont le plus petit se trouve en danger. Prière aux autorités locales d’intervenir pour sauver ces enfants. Attention la dame est très agressive », dit le communiqué. L’annonce a porté ces fruits puisque l’intervention ne s’est pas fait attendre et les enfants ont été mis en sécurité.

La stigmatisation

Cependant, force est de reconnaître que cette sécurité est loin d’être la seule assistance dont ces enfants ont besoin. Car après l’étape de la petite enfance, un autre mal plus pernicieux, la stigmatisation, les poursuit comme une malédiction. A ce titre, l’appellation « Domou doff » (enfant de fou ou de folle, ndlr) est le pire des préjudices faits à ces enfants. Une appellation stigmatisante et dégradante qui impactent négativement leur plein épanouissement en ce sens qu’elle peut être source de complexe d’infériorité pour ces jeunes qui peuvent en arriver à nourrir des sentiments de honte et d’exclusion. Ce que déplore le sociologue Abdoulkhadre Sanoko qui parle de rejet.

« Au Sénégal, l’enfant qui a un parent mentalement malade, est déjà considéré comme une malédiction. Ce qui fait qu’en lieu et place de la protection et de la socialisation dont il devrait bénéficier de sa famille, il hérite de la stigmatisation ». Un fait qui peut d’après Sanoko amener l’enfant à avoir deux comportements. Un qui le pousse à être violant ou alors à le motiver dans le sens du surpassement pour une affirmation de son soi, comme le cas de l’Artiste compositeur, Alassane Diallo alias « Dof Ndeye », un agresseur qui s’est repenti en rappeur.

Djily invité dans une télévision de la place est, lors de son passage à la télé revenu sur les difficiles conditions de vie auxquelles il était confronté lors de son enfance. Des faits qui l’on surement poussé au banditisme, à l’agression. « J’ai tué des gens, et je présente toutes mes excuses à mes victimes. J’enviais tous les gens qui avaient leur mère bien portante. La femme « folle » de Khar Yalla est ma mère. Je n’ai jamais eu l’affection maternelle ni eu l’occasion de manger ensemble avec ma mère. Ma maman me manquait très fort, et pourtant elle était proche de moi. Ce qui fait que je m’énervais tout le temps. J’avais 8 ans à l’époque. J’accepte être le fils de la folle du quartier et je me résigne tout en remerciant mon papa qui a su protéger ma maman malgré sa maladie ».

Donc pour montrer comment un enfant victime de stigmatisation peut se retrouver dans ces genres de situation. Toute situation qui se pose en termes de cas de société et qui met à nu une politique nationale de non prise en charge de ces enfants et de leurs parents. Car, dans le cas spécifique de la ville de Thiès la seule structure d’accueil pour ces dits enfants nés de déficientes mentales ou abandonnés relève du privé. Aucune structures publiques sur toute l’étendue du territoire de la ville et même du département alors que la population de ces femmes ne jouissant pas de toutes leurs facultés mentales et errantes va crescendo.

Sarah COLY